The price of valour – Django Wexler

Après la Révolution, la Terreur !

price_of_valourThe price of valour est le troisième roman du cycle The shadow campaigns, par Django Wexler, après Les Mille noms et The shadow throne. L’auteur a annoncé que la saga se terminerait avec le tome 5, prévu pour Janvier 2018. On a tendance à mettre en avant l’aspect Napoléonien de la Flintlock Fantasy, en oubliant un peu vite qu’il s’agit aussi d’une Fantasy se passant souvent au cours de la Révolution ou juste après (comme dans le tome 2 ou dans La promesse du sang de Brian McClellan). Dans le cas du livre qui nous occupe aujourd’hui, la Révolution est terminée, et cette fois, l’auteur fait une allégorie de la Terreur et de la tyrannie de Robespierre. Cependant, ce roman est assez différent de son prédécesseur, car il laisse cette fois une place beaucoup plus importante à l’action purement militaire par rapport aux complots politiques.

Au final, ce tome 3 est encore un peu au-dessus du précédent, lui-même assez largement au-dessus d’un tome 1 déjà fort sympathique. J’ai envie de dire que si le cycle des Poudremages reste, pour le moment, ma référence absolue en matière de Flintlock Fantasy, The shadow campaigns est en revanche, plus spécifiquement, un modèle de description d’une Révolution et de ses conséquences dans un cadre fantastique et imaginaire. On est en tout cas loin des Seigneurs de Bohen

Inspiration

Je le disais, toute l’intrigue principale du roman est inspirée par la Terreur, une période historique qui voit Robespierre tenter de juguler toute opposition en tenant le peuple et les députés qui ne lui sont pas fidèles sous une poigne de fer. Usage de la force contre les civils, guillotinages massifs, arrestations arbitraires, pouvoir d’exception et mesures illégales, c’est d’une période bien sombre de l’Histoire de France dont il s’agit. The price of valour tente de la recréer, et globalement y réussit très bien : Maurisk (l’ancien co-conspirateur de Raesinia) représente Robespierre, le « Directory of National defense » qui a court-circuité le pouvoir des Etats-généraux est un équivalent du Comité de sûreté générale, la « pointe » (the spike) est un dispositif d’exécution de masse similaire dans l’esprit à la guillotine, les députés Radicaux sont l’équivalent des Montagnards en France, il y a une réorganisation de l’armée qui mêle régiments issus de l’ancienne force royale et volontaires, et ainsi de suite.

Mais il y a aussi quelques différences : ici, par exemple, ce sont les grandes puissances de l’Ouest (Borel, Murnsk et la Ligue des Cités Libres) qui entrent en guerre pour restaurer la Monarchie, et pas la France de la Première République qui attaque deux monarchies. De plus, un autre niveau vient se greffer sur la réorganisation des armées : dans cet univers fantastique, un des Régiments comprend un bataillon… féminin, issu de l’unité formée par Mad Jane et Winter à la fin du livre précédent.

En parallèle, l’intrigue concernant les Mille noms amorcée dans le tome 1 se poursuit, et ce roman voit les Pénitents Damnés être beaucoup plus mis en avant. Les trois sous-intrigues (guerre, lutte contre la dictature, lutte contre les Pénitents) s’entrelacent d’une façon habile, rien ne fait artificiel.

Cette forte inspiration est à double tranchant : d’un côté, cela ne peut que donner un univers et une intrigue solides, mais de l’autre, il vaut mieux ne pas trop connaître son Histoire. Mais bon, comme j’aime à le répéter, vous savez que le Titanic va couler, ça ne vous empêche pas d’apprécier le film de James Cameron, non ?

Situation et personnages

On retrouve les personnages non seulement de The shadow throne, mais aussi une partie de ceux des Mille noms, y compris certains qu’on pensait ne plus jamais revoir. C’est bien agréable, car j’ai toujours détesté par exemple le fait que dans le cycle de SF The expanse, les deux auteurs abandonnent une partie des protagonistes du tome n dans le tome n+1. Rien de tel ici.

Comme dans le tome 2, on suit principalement Raesinia, Marcus, Winter et Janus (le point de vue de celui-ci n’étant jamais adopté, il est toujours vu par les yeux des autres), avec quelques petits interludes mettant en scène les antagonistes, dont Maurisk et les Pénitents. La reine va subir une tentative d’assassinat, et vu qu’elle est persuadée qu’elle a été perpétrée par Maurisk, elle va demander à Janus de lui adjoindre Marcus afin de trouver les preuves nécessaires. Ce dernier sera aussi chargé de protéger les Mille noms à tout prix.

De son côté, Janus est un des trois nouveaux Généraux de Vordan, un grade qui n’existait pas jusque là. Chargé de l’Armée de l’est, il va avoir fort à faire pour combattre l’ennemi, en l’occurrence les soldats des Cités Libres. En effet, Borel se contente de bloquer très efficacement les ports du Vordan, asphyxiant son commerce et anéantissant sa flotte, tandis que l’Empire Murnsk, aux puissantes légions, n’entrera dans le conflit que l’année suivante, probablement, en raison de sa lenteur à mobiliser. Mais l’ennemi n’est pas qu’extérieur, il est aussi intérieur : entre les ordres illégaux du Directoire et les renaclements des colonels issus de l’ancien système (des Nobles qui ont hérité de leur charge ou l’ont achetée, et qui n’ont pas de réelle compétence militaire), le Général Bet Vhalnich aura fort à faire pour protéger la patrie en danger.

Winter, qui prend du grade, va se retrouver à la pointe de tous les combats, en raison de la confiance que lui voue Janus. Elle aura elle aussi du pain sur la planche pour régler les conflits entre soldats professionnels issus de l’ex-armée Royale et Volontaires qui se sont engagés dans la ferveur Révolutionnaire, mais aussi entre les hommes et les femmes sous les drapeaux. Et contrairement à ce que l’on pourrait penser, tous les problèmes ne viendront pas forcément des premiers, même si nous avons droit au jeune officier de noble extraction arrogant et misogyne qui va faire une grosse connerie…

Au passage, au pays, il y a aussi des luttes de pouvoir et d’influence, que ce soit entre le Directoire et le Ministère de la Guerre, entre l’Armée et la Garde Patriotique à la solde du Directoire, entre les Etats-généraux et ce dernier, etc.

L’équilibre entre l’aspect politique, l’enquête, le volet militaire et les très nombreuses scènes d’action spectaculaires (hors-batailles, j’entends : on peut citer l’évasion en carrosse, l’assaut du manoir, la prise du navire, l’attaque de l’hôtel, etc) est très bon, en tout cas meilleur que dans le tome 2, qui, s’il était passionnant sur l’aspect Révolutionnaire, laissait en revanche clairement sur sa faim sur l’aspect militaire, sauf à la toute fin. Notez toutefois que les scènes marquantes ne se réduisent pas aux combats : il y en a une, qui mêle négociation et traduction, qui est absolument d’an-tho-lo-gie. Django Wexler a de l’humour et de la finesse, et il le prouve de façon magistrale en cette occasion.

La dynamique des relations entre les personnages ou l’évolution de la perception de ces derniers par le lecteur est très intéressante : Winter et Jane vont notamment voir leurs liens se modifier, et l’auteur va à deux reprises introduire un certain doute dans votre esprit en ce qui concerne les motivations réelles de Janus et le fait qu’il manipule peut-être Winter. Et puisqu’on parle de Jane, celle-ci va encore prendre de l’épaisseur, tout comme d’autres personnages secondaires introduits dans les deux tomes précédents. Sinon, il y a une bonne alchimie entre Raesinia et Marcus d’Ivoire pendant l’enquête qu’ils mènent en commun.

Mais les personnages « individuels » ne sont pas les seuls à évoluer : si on considère les Coloniaux comme un personnage « collectif », on constate que de quasi-unité disciplinaire dans le tome 1, ils sont désormais devenus une force d’élite et de confiance, chargée des missions les plus critiques et les plus ardues ! C’est d’ailleurs un peu la même chose pour le bataillon féminin, qui, de force montée de bric et de broc dans l’urgence à la fin du livre précédent, devient peu à peu une unité qui se trouve à la pointe de toutes les actions capitales.

J’ai également trouvé pertinent le fait qu’il n’y ait pas que les antagonistes qui aient du mal à accepter les soldats féminins ou qui nient leurs mérites et leurs capacités : même Marcus a du mal à se faire à l’idée, et son changement d’attitude ne sera que très progressif. On évite ainsi une certaine forme de ce que j’appellerais un « manichéisme de genre », générant ainsi plus de subtilité que certains n’en attendent en matière de SFFF militaire. Absence de manichéisme qu’on retrouve d’ailleurs dans les pays conquis, où certains habitants veulent s’engager dans l’armée d’occupation Vordanai par vraie conviction pour l’idéal Révolutionnaire et démocratique !

Les antagonistes : Robespierre et la Confrérie des mauvais mutants

Exit Orlanko (il n’est pas mort, mais il ne joue aucun rôle dans ce livre), cette fois, outre Maurisk, c’est toute une équipe de Pénitents Damnés qui joue le rôle des méchants. Chargés de retrouver les Mille noms et d’assister le dictateur, ils vont causer bien des problèmes à Raesinia et surtout Marcus. Je le disais dans ma critique des Mille noms, mais la magie dans cet univers a une couleur assez nettement super-héroïque. C’est particulièrement visible ici, puisque le groupe de Prêtres de choc semble tout droit sorti d’un comic Marvel : ils ont tous un nom de guerre, et un pouvoir qui évoque souvent la Confrérie des mauvais mutants (version Mystique) : Cinder est un Pyro au féminin, Twist évoque le Colosse, il y a un vague équivalent des Destinée (dans le sens : prédiction des actions avant qu’elles n’arrivent), etc.

Cette équipe se révélera être un formidable adversaire, et le générateur de scènes d’action absolument palpitantes (au passage, tous les combats, qu’ils soient « magiques » ou normaux, en petits groupes ou opposant des armées, sont très bien décrits -et assez brutaux-). Mais plus que ça, elle permettra d’établir une critique beaucoup plus claire que dans les tomes précédents à la fois du fanatisme / intégrisme religieux et de l’Inquisition Historique.

Je le disais en introduction, si vous connaissez un peu votre Histoire, le déroulement des événements et la fin ne vous réserveront guère de surprises, mais par contre l’épilogue offre des perspectives très intéressantes pour le tome suivant concernant un des personnages pas-si-secondaires-que-ça. Tome 4 qui promet d’ailleurs, d’évidence, encore une montée en puissance de l’aspect militaire.

Pour terminer sur une petite note amusante, Révolution « française » oblige, l’auteur se sent obligé d’introduire quelques termes dans la langue de Molière, mais malheureusement, l’effet s’avère plus comique qu’autre chose : oublions donc vite ce « lesse majeste » et ce « hors d’oeuvers »  😀

En conclusion

Alors que le tome précédent était une transposition (très réussie) de la Révolution Française, ce roman poursuit logiquement dans la même voie en offrant une allégorie de la Terreur et de la tyrannie de Robespierre (faut que j’arrête de lire du David Weber, moi, j’ai failli écrire Rob. S. Pierre  :D).  Ce qui a un avantage (le réalisme, la profondeur) et un inconvénient (une certaine prévisibilité). Néanmoins, le livre est très rythmé, avec beaucoup de scènes d’envergure et un meilleur équilibre militaire / politique que son prédécesseur, ce qui fait que cela ne constitue en rien un problème. L’univers, les personnages et surtout la dynamique de leurs relations ne cessent de s’étoffer, les enjeux de la guerre et des luttes de pouvoir montent, l’auteur fait preuve de subtilité et évite autant que possible tout manichéisme malvenu, et enfin il introduit des doutes plus que conséquents sur les motivations réelles d’un des personnages principaux, faisant ainsi naître certaines questions fort intéressantes dans l’esprit de son lecteur. Ajoutons à cela des antagonistes qui font très équipe de super-vilains et qui sont d’une puissance re-dou-ta-ble, et nous pourrons finir de brosser le tableau en disant que Django Wexler nous a offert un tome 3 encore légèrement plus intéressant que son prédécesseur, qui était déjà au-dessus d’un tome 1 fort honnête.

Bref, ce tome intermédiaire (il s’agit d’une pentalogie) ne baisse pas sur le plan de la qualité ou de l’intérêt, bien au contraire. Le duo The shadow throne / The price of valour s’impose, de plus, comme une référence absolue en matière de description détaillée, prenante, réaliste et pertinente d’une Révolution dans un cadre Fantastique, de ses causes, de son déroulement et de ses conséquences.

Niveau d’anglais : moyen, tendance facile.

Probabilité de traduction : très faible.

Pour aller plus loin

Ce roman est le troisième tome d’une pentalogie : retrouvez sur Le culte d’Apophis les critiques du tome 1 (VF), du tome 2 (VO), du tome 4 (VO) et du tome 5 (VO).

Si vous souhaitez avoir un deuxième avis sur ce livre, je vous conseille la lecture des critiques suivantes : celle de Lianne,

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13 réflexions sur “The price of valour – Django Wexler

  1. Une critique pointue ( 😉 ) comme à ton habitude! Cela ne me dérange pas du tout que cela soit un peu plus martial que les tomes précédents. Les auteurs made in America seraient-ils fascinés par la période de la Terreur ? Je comprends que tu fasses la confusion avec le Robert S Pierre de Weber, parfois, je me demande comment le personnage historique de nomme réellement …. ^^
    ET, non, je n’aime pas le film Titanic!
    Merci pour cette critique qui me donne une fois encore envie de me précipiter dans ce roman qui correspond tout à fait à mes goûts.

    Aimé par 1 personne

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