Extinction Game – Gary Gibson

Original sur certains aspects, pas du tout sur d’autres, mais en tout cas passionnant

Je tiens à remercier les éditions l’Atalante pour m’avoir permis de lire la version française de ce roman en avant-première. 

Extinction_game_VFCe roman est le premier de la duologie de l’Apocalypse, et le neuvième livre de SF de l’auteur. Cet écossais est membre du Cercle d’écrivains de SF de Glasgow, qui existe depuis pratiquement trente ans et dont un autre membre éminent est Hal Duncan.

Il s’agit d’un mélange entre SF (post-apocalyptique + univers parallèles) et thriller (cet aspect étant particulièrement réussi). Ceux qui ont pensé à Patrick Lee n’ont rien gagné, c’était trop facile. Sauf qu’ici tout est poussé beaucoup plus loin que chez cet écrivain. Si le mélange post-apocalyptique / univers parallèles et le concept d’une organisation allant recruter ses agents dans d’autres univers ne sont pas originaux, ce roman n’en est pas moins un redoutable page-turner qu’on lit avec frénésie et plaisir. Le début du roman n’est d’ailleurs, à ce titre, pas forcément représentatif, surtout si vous êtes un vieux de la vieille habitué à lire des histoires mettant en jeu des terres alternatives. Enfin, il y a un certain aspect optimiste qui étonne dans un contexte post-apocalyptique.

Le contexte – première partie

Jerry est le dernier homme sur Terre. Il est le seul à avoir survécu à une épidémie provoquée par un virus créé par génie génétique et propagé par un culte appelé Moisson Rouge. Au moment où le roman démarre, dix ans (dix ans d’absolue, de terrible solitude) se sont passés depuis la fin du monde. Jerry est au bout du rouleau, il joue avec l’idée de se suicider depuis longtemps et parle à sa défunte épouse exactement comme si elle était encore là (et elle lui répond !) depuis plus longtemps encore. Et puis un jour… de nombreuses traces de pas, des traces de pas fraîches. Et LA rencontre, celle qu’il n’espérait plus, celle avec d’autres êtres humains. Des survivants ? Pas vraiment. Un groupe d’éclaireurs venus d’un monde parallèle, qui le capturent et le ramènent sur leur base. Établie sur l’île de Pâques, mais pas celle du monde de Jerry : là bas, la lune a subi une catastrophe qui en a arraché un fragment suffisamment grand pour lui donner un aspect écorné.

Sur cette base, après qu’on se soit assuré qu’il ne soit pas porteur du virus mortel, on remet Jerry d’aplomb niveau santé mentale, et il finit par dire « au revoir » à sa « femme imaginaire » (au fantôme de son épouse, ou à son souvenir, disons). On lui explique le concept d’univers parallèles, et que la base et les éclaireurs appartiennent à une mystérieuse organisation appelée l’Autorité, elle-même originaire d’un troisième univers alternatif, celui qui a inventé la technologie permettant de voyager entre les différentes version de la Terre. Les Éclaireurs, il le découvre rapidement, ont tous la même particularité : ce sont, comme lui, les seuls (ou rares) survivants de leur propre planète, qui a, elle aussi, subi une forme ou une autre de fin du monde (je vais y revenir). Tout le reste du personnel vient du monde d’origine de l’Autorité.

Le début me laisse un peu dubitatif…

Autant le dire tout de suite : aucune surprise et aucune originalité pour ce début de livre. Le voyage dans les univers parallèles ? Archi-vu. Post-apocalyptique et univers parallèles ? Même chose. Il est rare qu’un livre où le protagoniste visite plusieurs réalités alternatives fasse l’impasse sur celle d’un monde ayant subi une forme ou une autre d’apocalypse menant à l’extinction de l’espèce humaine (et dans le même genre, le monde dystopique est également un passage quasi-obligé). Alors certains vont me répondre que centrer le récit sur les mondes parallèles post-apocalyptiques et uniquement sur ceux-là est original : là encore, pas vraiment. Lisez La voie terrestre de Robert Reed pour vous en convaincre.

La survie d’un unique (ou d’un très petit groupe de) survivant(s) après la catastrophe ? (ou du moins celle d’une personne qui pense être le seul survivant). Archi-vu et revu (cf Je suis une légende, La route, etc). Le post-apocalyptique en général, petit nombre de survivants ou pas ? Très à la mode et très répandu : cf Mad Max, Les culbuteurs de l’enfer, Un cantique pour Leibowitz, et ainsi de suite.

Le concept d’une organisation voyageant dans les univers parallèles / le temps / les planètes et y recrutant des agents pour les envoyer en mission vers d’autres réalités alternatives / époques / planètes que la leur (y compris pour s’emparer d’une quelconque ressource précieuse) ? Usé jusqu’à la corde, littéralement. Quelques exemples, récents ou pas, de livres ou d’auteurs ayant écrit sur le sujet (ou sur des sujets connexes avec ceux de ce livre mais dont je ne peux parler sans spoiler) : Transition de Iain Banks, Cowboy Angels de Paul McAuley, le cycle de la Patrouille du temps de Poul Anderson, Le grand jeu du Temps de Fritz Leiber, l’option Excalibur de David Weber, Dans le jardin d’Iden / Coyote céleste de Kage Baker, Et le diable vous emporte de Jack Chalker, Les mondes de l’Imperium de Keith Laumer, Alternities de Michael Kube-McDowell, ou Mozart en verres miroirs (la nouvelle) de Bruce Sterling … Et je ne parle pas de la base installée dans un coin exotique mais isolé (et surtout désert), qu’il le soit dans l’espace ou dans le temps (le grand classique est la base située des centaines de millions d’années dans le passé, comme chez Anderson ou Silverberg).

Bref, là où je veux en venir, c’est que si vous avez déjà lu ce type de roman, vous ne risquez pas d’être surpris, non seulement il n’y a presque rien d’original (à part à la rigueur le fait de se concentrer uniquement sur les différentes formes de mort de la Terre et / ou de l’espèce humaine) au début du livre (à la fin, par contre… mais chut !), mais en plus cela rend certains twists du scénario complètement prévisibles. En revanche, et je tiens à le préciser, si vous n’avez jamais lu d’histoire type mondes parallèles, ce roman constitue une très bonne porte d’entrée en la matière. 

Mon souci avec le début du roman est qu’il aurait pu donner lieu à des scènes formidables (la description de la solitude de Jerry, celle de sa folie, sa rencontre avec d’autres êtres humains pour la première fois depuis dix ans, le retour de sa santé mentale, l’adieu à l’image de sa femme), mais l’auteur n’a pas su me faire ressentir ça : quelque part, au moins pour moi (je sais, pour avoir lu certaines critiques sur la VO, que d’autres lecteurs, par contre, ont été profondément touchés par ces scènes), il s’est juste contenté de le décrire, je ne l’ai pas vécu, pas pris comme un coup de poing dans les tripes. Pas comme certaines révélations sur la nature des univers parallèles dans La voie terrestre, par exemple. La faute à une absence de qualités d’écriture ? Clairement non, parce que des qualités, cet auteur en a (je vais en reparler). Attention également à ne pas confondre émotion et tension dramatique : sur ce dernier point, par contre, l’auteur n’a aucune difficulté à installer ce genre d’atmosphère.

A mon avis, c’est dû au rythme que veut imposer cet écrivain, et à la faible longueur du livre. Je pense qu’il aurait fallu prendre beaucoup plus de temps pour établir une atmosphère de solitude, de folie, de désespoir, et autant de temps pour l’enterrer dans un service première classe. D’ailleurs, à d’autres moments, l’auteur arrive parfaitement a nous (à me, du moins) faire vivre les choses, par exemple pour tout ce qui concerne la relation Jerry / Chloé ou le flash-back sur l’apocalypse vue par Jerry.

Il est cependant très important de ne pas s’arrêter à l’impression donnée par cette première partie : elle n’est finalement qu’un pâle reflet de la suite, beaucoup plus intéressante. 

Univers parallèles post-apocalyptiques

Toute l’histoire est centrée sur ce type bien particulier de Réalités alternatives : tous les Éclaireurs en viennent (quoi de mieux pour explorer une nouvelle Terre que quelqu’un qui a survécu, seul, à l’effondrement de la sienne, et qui a donc prouvé sa résilience, sa solidité physique et ses facultés d’adaptation ?), et toutes leurs missions les mènent uniquement vers des mondes post-apocalyptiques (ou presque, mais nous en reparlerons).

L’auteur nous propose tous les grands classiques et passages obligés du genre : les virus propagés par des Cultes apocalyptiques (deux fois), la guerre nucléaire (idem), le super-volcan de Yellowstone, le super-volcan du Yellowstone plus une guerre nucléaire, la Naine Brune qui pénètre dans le système solaire et perturbe l’orbite de la Terre (ça change du Trou noir, de l’étoile à neutrons ou de la Naine Blanche), la dissolution complète de la planète par de la Gelée Grise (= de la nanotechnologie auto-réplicatrice qui transforme toute matière en copie d’elle-même), le sursaut gamma (= énorme émission de rayons gamma -des rayons X, mais en beaucoup plus énergétique- produite par la mort d’une étoile, et capable, selon sa proximité, de stériliser toute la surface de la planète en une seconde ou, au minimum, de souffler sa couche d’ozone), l’effondrement écologique, l’astéroïde géant (je trouve d’ailleurs scandaleux qu’il ne porte pas le nom de mon illustre homonyme, j’ai nommé 99942 Apophis !), et j’en oublie.

Donc, l’auteur n’oublie pas ses classiques, et il les traite de façon solide, aucun souci à ce niveau là. Sauf lorsqu’il essaye à moitié d’innover : lorsqu’il tente de donner une justification au mille fois vu « monde de zombies », on a du mal à suspendre son incrédulité : impossible d’adhérer à une partie significative de l’explication des « cerveaux-d’abeilles », désolé… Ce qui est un problème, vu leur importance dans le roman.

Gary Gibson formalise d’une jolie façon un concept qui, s’il existait déjà, n’avait jamais été exprimé de façon aussi nette : il parle, à propos des séries de réalités parallèles qui ne différent que très peu entre elles, de la « tresse » que forment leur lignes d’univers. De plus, il propose une explication au fait qu’aucun extraterrestre ne se pose sur la pelouse de la Maison Blanche dans son univers : il est bien plus facile de développer la technologie de déplacement vers les univers parallèles que d’explorer l’espace profond à l’aide de vaisseaux spatiaux.

Le contexte – deuxième partie

L’Autorité, qui emploie les éclaireurs, est très mystérieuse pour eux : il ne sont jamais allés sur son monde, en savent très peu sur lui, sur les buts de l’organisation, etc. Et s’ils posent trop de questions, ils voient débarquer ceux qu’on appelle les Patriotes (traduisez des agents de contre-espionnage adeptes d’une philosophie de type maccarthyste). Des gens affichant un conservatisme pur et dur envers les noirs, les athées, les femmes et les lesbiennes (et lorsqu’on sait qu’un des personnages réunit ces 4 critères…).

Les missions données aux éclaireurs sont de trois types, en gros : récupérer des données / du matériel sur la cause de l’apocalypse, filmer celle-ci juste avant / pendant qu’elle se produit, ou escorter des groupes d’officiels de l’Autorité (parfois accompagnés de leurs familles…) qui viennent y assister personnellement, comme à un macabre spectacle. Au bout de dix ans de service, les éclaireurs peuvent prétendre à une retraite paisible sur un monde sans danger et dans le confort matériel. Ils sont étroitement surveillés, et n’ont aucun libre accès aux plate-formes de déplacement ou aux coordonnées des mondes parallèles.

Après qu’il ait été intégré à l’équipe, Jerry s’aperçoit que ses collègues ont un comportement très bizarre envers lui : ils semblent déjà le connaître, ce qui est impossible, non ?

Le festival MacGuffin

Au cinéma ou en littérature, un MacGuffin (non, non, rien à voir avec les fast-food !)  est un but ou une motivation que le protagoniste cherche à accomplir et qui sert de moteur à l’intrigue. Ici, il n’y en a non pas un, mais des tonnes : d’abord, Jerry veut survivre sur son monde, puis au sein des éclaireurs ; ensuite, il veut savoir ce que ses collègues lui cachent ; après ça, il veut savoir ce qui est arrivé à l’éclaireur qu’il remplace ; dans le même temps, il veut comprendre pourquoi de plus en plus de missions subissent d’inexplicables problèmes, potentiellement mortels; il veut aussi tout savoir sur l’Autorité, et, sans faire de gros spoiler (vu que c’est un classique avec ce type d’organisation / histoire), il veut échapper à son contrôle. Il y a encore d’autres McGuffin, mais je ne peux évidemment pas en parler sans spoiler.

Bref, le point intéressant avec ce genre de festival est que l’intrigue subit tout le temps des rebondissements, et qu’on ne s’ennuie vraiment pas. Le point négatif est que ça finit par faire beaucoup, surtout en si peu de pages (et en seulement deux tomes : alors que certains écrivains tirent à la ligne et font des tomes à gogo pour pas grand-chose, là pour le coup il aurait peut-être été souhaitable de faire une trilogie plutôt qu’une duologie, histoire de développer un peu plus certains aspects sur lesquels finalement, on passe assez vite). Même si la densité d’informations de ce roman est assez stupéfiante : on le dévore plus qu’on ne le lit tellement on est intrigué et passionné par les péripéties de l' »enquête ».

…Le milieu me convainc déjà beaucoup plus…

Si le début ne m’a qu’à-demi convaincu, en revanche, plus on avance et plus le roman devient intéressant. Loin d’être « seulement » un livre de SF (et même sur ce plan là, mêler univers parallèles et post-apocalyptique est une tâche ambitieuse, à défaut d’être originale : ce n’est pas parce que quelque chose a déjà été fait par d’autres que c’est forcément plus facile d’écrire quelque chose du même genre soi-même, au vu des inévitables comparaisons, déjà), Extinction Game se révèle être tour à tour un roman d’apprentissage (y compris sur le plan de la réconciliation du héros avec son passé et le monde), un quasi-roman policier et un thriller, excusez du peu !

Ce dernier aspect est vraiment très riche, puisqu’on en retrouve la quasi-totalité des éléments incontournables : fausses-pistes (qui camouflent d’ailleurs très bien les deux vrais indices que l’auteur nous donne sur une partie du mystère ; j’ai longtemps cru que ce roman ressemblait à celui d’un auteur français -un homonyme d’un acteur très connu-, mais en fait pas du tout), rétention d’infos (le rythme des révélations est très bon et très bien maîtrisé par l’auteur, sauf peut-être à la fin où on frise parfois la saturation), cliffhangers, scènes de poursuite, rythme très soutenu, théorie du complot, vengeance, bref tout ou presque est là.

Le seul aspect qui n’est qu’à demi-présent est celui du techno-thriller : en effet, Gary Gibson est particulièrement peu intéressé par les détails techniques qui sont au cœur de ce sous-genre. Par exemple, pour un livre basé sur la technologie et mettant en scène des para-militaires, les détails sur les armes utilisées sont complètement absents, et on sent très bien que l’auteur ne maîtrise ni ne s’intéresse absolument pas au sujet. Idem pour les détails sur les véhicules ou la technologie de déplacement vers d’autres univers parallèles. Mais est-ce vraiment une faiblesse ? A mon sens, dans le cadre d’un techno-thriller, oui, mais dans celui d’un livre de SF, certainement pas. L’équilibre entre personnages et univers, entre humain et quincaillerie technologique froidement décrite pour donner un sentiment de sense of wonder parfois artificiel ou creux est difficile à trouver, et souvent trop déséquilibré côté univers / science que vers le côté humain / personnages / émotions. L’auteur a fait le choix inverse, et c’est pour moi, un point intéressant et à souligner de son roman.

Personnages, Qualités & défauts d’écriture

Les personnages sont très solides, surtout vu leur nombre et la faible longueur du roman (moins de 400 pages), donc du temps que l’auteur peut consacrer à les développer. Ils ont chacun une personnalité et une voix aisément reconnaissables, ne sont pas mono-dimensionnels (bien que l’auteur puisse parfois être assez caricatural sur certains d’entre eux, surtout Casey), et leurs motivations, parfois complexes, sont bien expliquées et réalistes. On à tendance à s’attacher à certains d’entre eux, ce qui est un problème vu la propension qu’ils ont à mourir…

L’écriture de l’auteur est… paradoxale, je ne vois pas de meilleur mot. Sur certains aspects (thriller, rythme global, chronologie des révélations, scènes d’action, personnages), elle est très solide. Sur d’autres, par contre… Je ne vais pas revenir sur l’emploi abusif des McGuffin, ni sur l’incapacité, parfois (mais pas toujours), de Gary Gibson à faire passer l’émotion, mais par contre, je vais parler du mode narratif adopté : il me paraît très basique pour un écrivain qui a une dizaine de romans au compteur, et assez pauvre en général. Je m’explique : la narration est uniquement vue par les yeux de Jerry, on ne rentre jamais dans la tête des autres personnages, on ne voit jamais les événements de leur point de vue. Bref, c’est un peu comme filmer une histoire en SD, noir et blanc et avec du son mono : ça ne signifie pas qu’elle est mauvaise, ça signifie juste qu’elle est assez pauvrement montrée. Attention, ça ne veut pas dire que le lecteur n’est pas happé par l’aspect thriller ou par le rythme, ça veut juste dire qu’un autre écrivain aurait pu sans doute tirer tout autre chose à partir des mêmes éléments.

De même, le déballage d’infos est assez mal fait et artificiel, il y aurait sans doute eu mieux et plus habile à faire.

Par contre, excellent aspect thriller oblige, il y a quelques scènes à grand spectacle (la course contre la lave) ou haletantes (l’attaque des cerveaux-d’abeille) là dedans qui sont vraiment très réussies.

Globalement, ce roman se lit avec plaisir, c’est un redoutable page-turner (et un excellent thriller), mais il lui manque l’âme que des écrivains comme Iain Banks, Dan Simmons ou même Peter Hamilton auraient pu lui donner.

… Et la fin achève de me convaincre

La fin, malgré le fait qu’elle soit un poil trop riche en révélations fracassantes, modifie en partie l’aspect SF de cet univers et nous fait nous poser de nouvelles questions passionnantes, qu’on espère voir résolues dans le tome suivant. Je ne peux pas vous dire en quoi ces révélations donnent un aspect SF supplémentaire sans vous gâcher complètement le plaisir de la découverte (disons que les indices étaient là et bien là dans le livre). Disons juste que c’est en (vague) rapport avec un prix Hugo des années 70 et en (net) rapport avec un univers de SF très célèbre des années 90. Je pourrais vous résumer ça en un seul mot (et c’est dommage, j’ai trouvé un excellent néologisme), mais en vous ruinant la surprise d’un coup, donc je vais éviter (vous trouverez ma boite mail quelque part si vous cherchez bien 🙂 ).

Si les révélations sur l’Autorité sont assez téléphonées, en revanche, celles sur le reste…Bravo, on est complètement accroché et prêt à jeter notre argent à l’écran d’ordi pour acheter la suite. Mais bon, clairement, ce roman n’est, sur son aspect SF, absolument pas original, il se contente de recycler (très bien, ce n’est pas la question) plusieurs thématiques ou œuvres de SF en les mélangeant. Et ça, n’est-ce pas original, justement ? Personnellement, j’ai toujours trouvé qu’un mélange de choses pas originales prises séparément pouvait, lui, l’être bel et bien, et c’est un peu le cas ici.

La fin est particulièrement réussie, puisqu’elle parvient à la fois à proposer une conclusion satisfaisante aux destins des personnages et aux intrigues (pour quelqu’un qui ne souhaiterait pas lire le tome 2) et à poser de nouvelles questions, de nouveaux jalons pour cette suite, justement. On évite les techniques faciles du Cliffhanger ou des gros mystères qu’on laisse complètement sans réponse (ou seulement à l’appréciation du lecteur), et c’est tant mieux.

Post-apocalyptique… optimiste ? 

Telle a été la façon dont deux de mes connaissances, des critiques dont je respecte beaucoup l’avis, ont décrit ce livre après avoir lu la VO. Si, personnellement, je lis très peu de post-apocalyptique, c’est justement parce que son aspect lugubre, tout-est-foutu et pessimiste ne m’attire pas vraiment (non pas que je n’aime pas les romans ayant un côté noir et cynique, mon intérêt pour le gritty, déjà, vous convaincra aisément du contraire). Pourtant, il est vrai que l’auteur a su tirer une quintessence positive des expériences des Éclaireurs, dont chacun, par définition, a assisté, impuissant, à la mort de sa Terre. Très rapidement, l’auteur leur fait laisser derrière eux, sans faire une totale impasse, forcément irréaliste, dessus, leurs sentiments de perte (envers leurs proches, leur monde, leur vie d’avant, etc), pour retirer le positif de leur expérience (unique !) : ils s’en sont sortis, ils sont vivants, ils vont de l’avant. Et ça, pour du post-apo, c’est vrai que c’est assez inédit.

De même, finalement, même si l’Autorité n’y envoie pas les Éclaireurs, on sait qu’il existe une infinité de mondes parallèles, donc, certes, une infinités d’apocalypses, mais aussi (et c’est la nature de l’infini) une infinité de mondes heureux, paisibles, que rien ne menace. Ce qui fait que, quelque part, la fin du monde est relativisée : chaque personne qui connaît la vérité sur la nature du multivers sait que rien ne va s’arrêter pour de bon, définitivement. Un monde de rechange existe, ailleurs. Mon seul regret est que, si cette réflexion est sous-jacente, elle n’est pas assez mise en avant par l’auteur, chose que, par exemple, un Dan Simmons aurait pu faire magistralement.

En conclusion

Il s’agit d’un livre très riche, car mêlant d’une façon habile SF (post-apocalyptique, univers parallèles, et d’autres thèmes ou références dont je ne peux parler sans spoiler) et thriller. Ce dernier aspect est particulièrement réussi (au niveau des rebondissements, des scènes d’action / à grand spectacle et du rythme des révélations, on est sur du haut de gamme), plus, à vrai dire, qu’un aspect SF qui s’il est au final original, ne l’est que parce qu’il combine d’une façon plus ou moins inédite des thématiques ou références SF qui, prises individuellement, sont du déjà vu et revu.

Une autre originalité est, sans doute, de proposer une thématique post-apocalyptique (et même de multiples apocalypses) sans l’aspect pessimiste qui est une marque de fabrique du genre. Et une autre force est le rythme (haletant), la densité stupéfiante de rebondissements et d’informations pour un si petit roman (moins de 400 pages), donnant un peu la même impression que Replay de Ken Grimwood, et enfin d’excellents personnages.

Pour autant, ce livre est loin d’être dépourvu de défauts : le manque d’originalité que j’ai déjà évoqué (sur certains plans), le fait que, pour un vieux routard de la SF, certaines révélations se voient arriver des kilomètres avant, ainsi que certaines maladresses d’écriture, comme une narration assez mono-chromatique ou une façon pas toujours très habile d’apporter au lecteur des informations.

Au chapitre des points ni tout à fait bons ni totalement mauvais, j’évoquerais surtout la capacité de l’auteur à nous faire vivre les émotions des personnages, capacité qui est un peu sur mode courant alternatif : paradoxalement, je ressens plus d’émotions quand le chien d’un des personnages disparaît que quand un autre dit au revoir au « fantôme » de sa défunte femme, une hallucination qui lui a tenu compagnie durant ses années de survie solitaire sur sa Terre morte. Mais bon, par contre, quand le courant passe, il passe carrément (et l’auteur n’a aucun problème à installer une tension dramatique, il est même carrément à son aise pour ça). Et toujours au chapitre des points à double-tranchant, on peut évoquer la surabondance de McGuffin (motivations du protagoniste faisant avancer l’intrigue) qui, si elle alimente un rythme soutenu et des rebondissements passionnants, fait aussi frôler, parfois, l’overdose au lecteur, et ne me paraît pas forcément relever d’une technique narrative élégante ou habile.

Au final, et c’est bien tout ce qui compte, j’ai passé un moment haletant et excellent avec ce roman, et c’est avec une sincère impatience que j’attends la suite (il s’agit d’une duologie). Même si l’univers n’est pas original (du moins pour un vieux routard de la SF comme moi, il en ira probablement autrement pour certains d’entre vous), il est intéressant, et il reste quelques questions passionnantes en suspens après la fin (très réussie, car n’abusant ni du mystère qui plane de façon abusive, ni du cliffhanger facile) de ce tome, que j’ai hâte de voir résolues. Même si, pour être honnête, il manque clairement à Extinction Game un petit quelque chose pour passer du statut de bon roman totalement recommandable à celui de chef-d’oeuvre.

Pour aller plus loin

Si vous souhaitez avoir un deuxième avis sur ce roman, je vous conseille la lecture des critiques suivantes : celle de Blackwolf, celle d’Alias sur Blog à part,

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16 réflexions sur “Extinction Game – Gary Gibson

  1. Ben ça c’est de la critique – encore une fois!
    J’avoue que je suis assez partagée pour une fois. Il y a des aspects qui ont l’air vraiment captivants, une densité et des personnages bien construits, mais finalement pas si original et l’intrigue assez évidente…
    Un post apo optimiste, cela peut être « rafraîchissant ».
    Est-ce que la deuxième partie vaut vraiment le détour ?

    Merci de cette critique!

    J’aime

    • Attention avec l’intrigue, l’auteur te lance sur des fausses-pistes, et quand tu as achevé le bouquin tu t’aperçois que oui, c’est globalement prévisible (il y avait des indices), mais pas tant que ça.

      Tu parles de quelle seconde partie, celle de ce livre ou du livre 2 de la Duologie ? Si c’est le livre 2, il n’est pas sorti, à ma connaissance. Si c’est la seconde moitié du livre, oui, elle est clairement intéressante, car elle pose quelques questions passionnantes.

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